Maison de l'Algérie-Pont d'intelligence

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Club "Génération Entrepreneurs" en Algérie

lundi 17 décembre 2012

Coopération algéro-française : le poids des affaires dans la visite de hollande



Très attendue, la visite qui sera effectuée ce mercredi en Algérie par le président français François Hollande est censée réchauffer les relations bilatérales. Si sur le chapitre politique, le dégel est tributaire du règlement de plusieurs dossiers épineux, notamment celui de la repentance et du Sahara occidental dans lequel la France soutient la politique marocaine, l’espoir est toutefois permis sur le chapitre économique.

Permis surtout du côté français qui préfère jouer la carte du pragmatisme. En cette période de crise, la solvabilité de l’Algérie peut lui offrir un terrain propice pour ses entreprises en quête de marché. L’Algérie est le premier client pour les exportations agro-alimentaires françaises et accueille annuellement plus de 6 milliards de dollars de produits français. D’où les critiques algériennes quant à la vision française purement commerciale dans son approche algérienne. Car en termes d’investissements directs, la France est à moins de 2 milliards d’euros, insuffisant, comparé à ce qui se fait au Maroc (plus de 8 milliards à la fin de 2009).
Une frilosité justifiée, côté français, par l’absence de conditions favorables en Algérie, ce qui est d’ailleurs confirmé par les rapports des institutions financières internationales sur le climat des affaires dans le monde. Dépasser les clivages politiques pour donner un nouveau relent aux relations économiques, c’est là toute la problématique à laquelle seront confrontés les officiels des deux pays durant cette visite.
Des spécialistes de l’économie affirment d’ores et déjà que toute relation économique a comme soubassement des relations politiques. Les spécialistes des questions politiques et de relations internationales soutiennent, de leur côté, que quelle que soit la charge symbolique de cette visite, ce n’est pas à son issue que les deux pays signeront un traité d’amitié. En revanche, la signature de quelques contrats économiques  est largement attendue.
Les entreprises françaises préfèrent le commerce à l’investissement
Certains économistes affirment que les relations économiques entre l’Algérie et la France «ont comme soubassement les relations politiques». D’autres soutiennent en revanche que ces deux aspects doivent être dissociés si l’ont veut relancer les relations bilatérales. La visite cette semaine du président François Hollande en Algérie, accompagné d’une importante délégation d’hommes d’affaires, montrera à coup sûr la réelle capacité des deux pays à dépasser leur clivage politique pour booster leur coopération économique, ou pas.
Du côté algérien, la France est accusée de ne voir en l’Algérie qu’un marché pour ses produits, dont elle est d’ailleurs le premier fournisseur. S’agissant des investissements directs, en revanche, leur stock à la fin de 2010 était de 1,9 milliard de d’euros, cinq fois moins qu’au Maroc. Pour une superficie moindre et des ressources en moins, ce pays compte presque deux fois plus d’entreprises françaises implantées que l’Algérie.  De l’autre côté, la France reproche à l’Algérie de ne pas offrir de conditions suffisamment attrayantes pour attirer les investissements des entreprises françaises.  Un chef d’entreprise français, installé en Algérie depuis deux ans, nous déclarait récemment qu’en France, «il y a beaucoup de gens qui ont une position très réservée vis-à-vis de l’Algérie. Les opérateurs économiques ayant besoin de lisibilité pour s’implanter à l’international».
Une lisibilité que l’Algérie ne semble pas offrir pour le moment en raison de sa réglementation instable, de son administration récalcitrante et de son climat d’affaires régulièrement pointé du doigt par les institutions financières internationales. Entre les arguments des uns et des autres, se glissent des divergences politiques dont le poids peut difficilement être ignoré. Pour, Luis Martinez, directeur de recherche au Centre d’études et de recherches internationales sciences politiques (France), l’arrivée de Hollande est susceptible d’apaiser les relations bilatérales, après le passage de Sarkozy, car «la droite française n’a pas historiquement de bonnes relations avec l’Algérie». Cela ne signifie pas non plus que la gauche «a traditionnellement de bonnes relations avec l’Algérie», mais on est loin du président Mitterrand dont le passé politique était directement lié avec la guerre d’Algérie.
Le poids du politique
Le climat de tension auquel sont parvenues les relations entre les deux pays sont le fruit de plusieurs années «d’indifférence de part et d’autre des deux rives de la Méditerranée». «Non pas qu’on n’était pas à l’écoute de ce qui se passait, mais ce n’était pas dans le souci de comprendre l’autre», dit-il.Les tensions politiques sont certes nourries par la question de la repentance, mais pas uniquement. Le professeur Salah Mouhoubi, docteur d’Etat en sciences politiques et économiques, cite d’autres problèmes «sérieux ayant trait à la politique française dans la région du Maghreb». Une politique qu’il qualifie de «déséquilibrée», marquée surtout par son «soutien à la vision annexionniste du Maroc dans le problème du Sahara occidental». Cette attitude vise, selon notre interlocuteur, à «amoindrir le rôle de l’Algérie dans la région et à la considérer avec le Maroc sur un pied d’égalité, alors qu’ils ne devraient pas l’être objectivement». D’ailleurs, on «reconnaît à l’Algérie le statut de première puissance de la région quand la conjoncture s’y prête». En dehors de cela, «la France est beaucoup plus en faveur du Maroc vers lequel elle oriente ses IDE, et qu’elle présente comme une démocratie et un pays ouvert, par opposition à l’Algérie, selon elle».
Pragmatisme !
Même si le problème du Sahara occidental est épineux, la perception française se voudrait toutefois pragmatique. «L’Algérie ne peut pas se laisser dicter sa politique étrangère et la France non plus», admet M. Martinez. Jusque-là, on a donné aux «questions économiques, des dimensions politiques, d’où les blocages», au moment où «les entreprises s’en fichent de la position sur le Sahara occidental et sont davantage concernées par le climat des affaires, la disponibilité des infrastructures, la réactivité de l’administration».
Des questions sur lesquelles l’Algérie est loin d’être performante. Le classement 2012 de la Banque mondiale sur la facilité de faire des affaires dans le monde la classe 148 sur 183 pays (en recul de 5 place par rapport à 2011).
L’Algérie a donc «une part de responsabilité» dans le fait que les investisseurs français la fuient, selon le professeur Mouhoubi, mais cela n’explique pas pour autant leur «frilosité».  Pour lui, les entreprises françaises considèrent l’Algérie comme «un marché mais ont du mal à franchir le rubicon pour s’installer» et cela n’est pas «fortuit», mais découle de cette politique française qui tend à «favoriser» les voisins. Pourtant dans le contexte actuel de la crise économique et financière que vit la France et de la solvabilité de l’Algérie, les opportunités de coopérer sur la base d’un schéma «gagnant-gagnant», de l’avis de M. Mouhoubi, existent.
Toutefois, relativise, M. Martinez, «en période de crise, les entreprises sont moins enclines à prendre des risques dans des marchés où le climat des affaires n’est pas très favorable. Elles iront là où les conditions s’y prêtent le plus, là où on leur offre des avantages et des facilités».
Ce que l’Algérie ne semble pas avoir compris, car même si «sa maîtrise du marché pétrolier est parfaite, sa perception du marché mondial hors hydrocarbures, qu’elle considère comme un grand bazar, laisse à désirer».  Du côté algérien, on déplore une certaine condescendance française qui transparaît notamment dans l’évolution très lente du dossier Renault au relent «plus politique qu’économique», selon M. Mouhoubi.
Et d’ailleurs, «les tergiversations démontrent qu’on n’est pas pressé» de faire aboutir ce projet. En témoigne l’information relayée par la presse française sur une éventuelle entrée de l’Algérie dans le capital de Peugeot. «C’est une manière de dire à l’Algérie : si vous voulez une industrie de l’automobile, prenez des parts dans Peugeot», selon l’économiste. Or, le problème, selon lui, est que Peugeot est une société «moribonde» et cela ne «rapporterait rien à l’Algérie de réaliser un tel investissement».
De plus, elle «n’a pas vocation à résoudre les problèmes économiques des autres pays».

 

Le secteur industriel français s’effrite

Si la France perd du terrain sur le marché algérien, ce n’est pas tant dû à la superpuissance industrielle chinoise qu’à la perte de concurrence de l’industrie française. «La France n’a plus autant de produits industriels à vendre à l’Algérie, son potentiel industriel a pas mal souffert ces dernières années et avec l’entrée en jeu des pays émergents, il y a un recul relatif de ses exportations», remarque l’économiste Camille Sari. 
Un constat qui a été mis en avant récemment par le Rapport Gallois sur la compétitivité des entreprises françaises dont les statistiques sont éloquentes. Selon ce document, la part de l’industrie (hors construction) dans PIB français est passée de 18% en 2000 à 12,5% en 2011, plus de 2 millions d’emplois industriels ont été supprimés entre 1980 et 2011.
Les exportations françaises ont nettement reculé notamment en Union européenne qui constituait leur première débouchée avec 58,4% des exportations en 2011.
Ainsi, la part de marché des exportations française est passée de 12,7% en 2000 à 9,3% en 2011. Son solde de la balance commerciale passant d’un excédent de 3,5 milliards d’euros en 2002 à un déficit de 71,2 milliards en 2011. Dans la zone euro, la France n’est plus que 15e sur 17 en termes d’exportations.
Safia Berkouk
EL WATAN

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