Maison de l'Algérie-Pont d'intelligence

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Club "Génération Entrepreneurs" en Algérie

mardi 28 décembre 2010

L’Accord d’Association entre l’Algérie et l’Europe de 2005 est-il révisable





Le premier Ministre Ahmed OUYAHIA vient de faire savoir devant le Sénat le 19 décembre 2010 à juste titre au moment où l’ensemble des pays du monde sont confrontés à une dette publique sans précédent ,encore faudrait-il que le sacrifice soit partagé, qu’il ne sera plus possible à l’Etat algérien de consacrer une dépense publique aussi importance que par le passé ( plus de 400 milliards de dollars entre 2004/2014) si l’on veut éviter la dérive inflationniste et économique. Mais , au même moment le gouvernement algérien vient de faire savoir qu’il a supprimé les préférences tarifaires pour 36 produits importés de l’Union européenne, décision, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2011, concernant des produits agricoles bruts ou transformés, ces produits bénéficiaient d’avantages douaniers allant de 20 à 100%. En plus l’Algérie désire renégocier avec l’UE une liste « négative » de 1.740 produits industriels sur lesquels des droits de douanes seront imposés et le recul du démantèlement douanier et tarifaire de trois années (horizon 2020) au lieu de 2017. Car en cas de non reprise par la production locale, le processus inflationniste touchant ces produits est inévitable, les taxes s’appliquant à une monnaie la plus dévaluée du Maghreb.



Outre qu’il convient de se demander si à cette période, sans réformes structurelles de fond, les entreprises algériennes seront insérées dans le cadre des valeurs internationales obtiendra t- elle le feu vert de l’Union européenne qui est vraisemblablement hypothétique du fait de la teneur des accords ? Tel est l’objet de cette contribution.

1 – Qu’en est-il des divergences concernant l’Accord d’Association ?

Je rappelle qu’une réunion a eu lieu le 15 juin 2010 à Luxembourg relative au 5ème conseil de l’ Accord d’association entre l’union Européenne l’Algérie étant liée par un Accord à l’Europe pour une zone de libre échange applicable depuis le 01 septembre 2005 comportant plusieurs volets: politiques économiques, commerciales, industrielles, services, douanes, transport, énergie, environnement, agriculture, pêche-et sociales-affaires sociales, société de l’information, recherche, innovation, audiovisuel, culture et éducation.

Dans cet esprit, les divergences se sont accentuées suite aux décisions du gouvernement algérien courant 2009 de postuler 51 pour cent aux algériens dans tout projet d’investissement et 30 pour cent dans les sociétés d’import étrangères avec au départ un effet rétroactif , ce qui serait contraire au droit international, qui explique la réaction européenne de Catherine Ashton, ex commissaire européenne au commerce extérieur actuellement Ministre des affaires étrangères de l’Union européenne, qui avait demandé l’annulation de ces directives dans une correspondance officielle adressée au gouvernement algérien le 12 juin 2009, ayant invoqué que l’Algérie aurait violé les articles 32, et 37, 39 et 54 de cet Accord ce qui a conduit le premier ministre algérien à annuler son propre décret signé en juin 2009 concernant le volet commerce en septembre 2009. Par ailleurs lors de sa visite à Alger le 6/7 juin 2010, le Commissaire européen à l’élargissement et à la politique de voisinage M. Stefan Füle, a indiqué que la part de l’UE dans les importations de l’Algérie a régressé passant de 57,4% en 2002 à 51,9% en 2008 au bénéfice de la Chine , que le déséquilibre des flux commerciaux observé s’explique par la surconsommation de l’Algérie due à sa dépense publique , donc un problème de demande intérieure et que la responsabilité du gouvernement algérien est entière.

Il a tenu à préciser aux autorités algériennes qu’il ne suffit de signer un traité pour que les choses fonctionnent, mais qu’il faut des réformes structurelles profondes et si l’Algérie n’a pas tiré profit de l’accord d’association, c’est parce que les réformes structurelles n’ont pas été menées. Encore que la commission prévoit d’introduire des discussions sur l’agriculture et les services, l’Algérie ne profitant pas des contingents tarifaires consentis par l’Union Européenne pour les produits agricoles. Donc aucun changement de fond de la position européenne avant les négociations du 15 juin 2010. Pour la partie européenne, les produits industriels algériens ont été admis en Europe dès le début de l’entrée en vigueur de l’Accord sans droits de douane, sous réserve de respecter la clause qualité s’étalant jusqu’en 2017 et les produits européens faisaient l’objet d’un démantèlement tarifaire progressif pour entrer en Algérie. Ce n’est pas l’avis de la partie algérienne pour qui les importations algériennes auprès de l’UE ont augmenté de près de 80%, passant de 11,2 milliards de dollars en 2005 à 20,8 milliards de dollars en 2008, et c’est l’Europe qui n’a pas respecté les engagements contenus dans l’Accord qui lie l’Algérie à l’Europe, dont notamment la mise à niveau de l’économie algérienne l’Algérie ayant surtout besoin du savoir faire technologique et organisationnel et non de capitaux , posant indirectement la question s’il est utile que l’Algérie reste attachée à cet Accord par la faiblesse de l’investissement utile.

Par ailleurs les baisses tarifaires auraient entrainé un manque à gagner variant selon les déclarations contradictoires entre le Ministre des finances et l’ex ministre du commerce entre 1,5 et 2 milliard de dollars prévoyant 7 milliards de dollars horizon 2017 et ce bien entendu si l’Algérie n’entame pas une réelle dynamisation des segments hors hydrocarbures. Dialogue de sourd : l’Algérie reproche à l’Europe le manque d’enthousiasme dans l’investissement et l’Europe reproche à l’Algérie le manque de visibilité dans les réformes micro-économiques et institutionnelles Se pose cette question, par exemple pourquoi l’Accord d’Association a eu un effet positif en dynamisant les entreprises tunisiennes (c’est le même Accord) selon le bilan chiffré de l’Accord d’Association présenté par le premier ministre tunisien le 11 décembre 2010 et non pas en Algérie, la Tunisie ayant l’intention d’accélérer la mise en œuvre de cet Accord. Et il en est de même pour le Maroc qui arrive à s insérer à l’économie mondiale.

2-Pourquoi donc ce blocage à l’investissement utile en Algérie ?

Cela renvoie au blocage de l’entreprise seule créatrice de richesses qu’elle soit publique ou privée devant évoluer dans un environnement concurrentiel de plus en plus turbulent avec la dominance de la sphère informelle produit de la bureaucratie et des dysfonctionnements des structures de l’Etat contrôlant plus de 40% de la masse monétaire en circulation renvoyant à la bonne gouvernance.

La bureaucratie participe à ce blocage à environ 50%,la sclérose du système financier pour 25%, le reste étant imputable au foncier et à l’inadaptation du système socio-éducatif. Personne ne pouvant se targuer d’être plus nationaliste qu’un autre, la facilité et la fuite en avant est de vouloir imputer les causes du blocage seulement à l’extérieur. Le patriotisme économique ne saurait s’assimiler au tout Etat bureaucratique des années 1970, dans des pays où dominent la propriété privée, pour ne citer que quelques cas, comme les USA, la France, l’Espagne, l’Italie, les citoyens sont fiers d’être américains, français, allemands, espagnols ou italiens. Cependant pour éviter les effets pervers du marché comme le montre la crise mondiale actuelle, il y a urgence d’un rôle plus accrue de l’Etat régulateur , différence de taille avec le tout Etat , pour toute politique économique fiable devant tenir compte de cette dure réalité, d’une économie de plus en plus globalisée. Car, l’extérieur est-il responsable de la montée en puissance de la bureaucratie destructrice et de la corruption dominante ; l’extérieur est-il responsable de notre mauvaise gestion et du gaspillage de nos ressources.

Enfin, l’extérieur peut-il engager à notre place les réformes structurelles conciliant efficacité économique et une profonde justice sociale avec cette concentration excessive du revenu national au profit de rentes spéculatives. Et si l’Europe ouvrait son marché qu’exporterait l’Algérie en dehors des hydrocarbures ? Au cours de la table ronde organisée par le quotidien El Moudjahid le 31 mai 2010, le directeur général de l’Algex, note que les exportations algériennes ont baissé significativement en 2009, cette décroissance serait de l’ordre de 40% à 50% qui concerne les produits hors hydrocarbure, passant de 1,9 milliard de dollars en 2008 à 1,3 milliard en 2009.

Après analyse je pense fermement que pour bénéficier des effets positifs de l’Accord avec l’Europe que d’une éventuelle adhésion à l’OMC,( sinon les effets pervers l’emporteront) qu’il faille faire d’abord le ménage au sein de l’économie algérienne et que ce sont les freins à la réforme globale du fait de déplacements des segments de pouvoir (les gagnants de demain n’étant pas ceux d’aujourd’hui) qui explique le manque de cohérence et de visibilité dans la politique économique et par voie de conséquence le dépérissement du tissu productif. Toute analyse opérationnelle devra relier l’avancée ou le frein aux réformes en analysant les stratégies des différentes forces sociales en présence, la politique gouvernementale se trouvant ballottée entre deux forces sociales antagoniques, la logique rentière épaulée par les tenants de l’import (13.000 mais en réalité seulement une minorité contrôlant plus de 80% du total) et de la sphère informelle malheureusement dominante et la logique entrepreneuriale minoritaire.

3- Paradoxe : dévaluation du dinar et baisse des exportations hors hydrocarbures

Bien que le système financier algérien soit déconnecté des réseaux internationaux et il ne faut pas s’en réjouir, les banques algériennes étant actuellement des guichets administratifs, et la bourse d Alger n’étant pas une véritable bourse des valeurs, Sonatrach qui représente la véritable richesse du pays n’étant pas cotée en bourse où souvent des entreprises publiques structurellement déficitaires représentant plus de 98% des cotations achètent des entreprises déficitaires, ayant été renflouées grâce au trésor via la rente des hydrocarbures et les banques publiques représentant plus de 90% des crédits octroyés à l’économie, malades de leurs clients les entreprises publiques nécessitant des recapitalisations répétées, espérant que l’entrée récente de Alliance assurances puisse bouleverser ces comportements rentiers, la guerre des monnaies pourrait avoir de graves répercussions sur l’Algérie.

Dans la mesure où une fraction des réserves de change qui selon le ministre des fiances devant l’APN en novembre 2009 80% des réserves sont placées à l’étranger dont 45% en euros, 45% en dollars, 5% en yen et 5%en livres sterling la banque d’Algérie pour ces placements ayant jouée, intelligemment, il faut le reconnaitre sur la loi des grands nombres. Encore faudrait-il être attentif au taux d’intérêt notamment la FED américaine et la banque centrale européenne variant entre 0,25% et 1,5%, pondéré par le taux d’inflation mondial donnant un taux négatif pour le rendement réel.

Ces fluctuations monétaires ont un impact sur la balance des paiements car les importations algériennes sont libellées à environ 60% en euros et 98% des exportations représentées essentiellement par les hydrocarbures. D’où d’ailleurs l’urgence d’un débat national ouvert concernant tant la gestion de la rente des hydrocarbures afin de préparer l’après hydrocarbures qui vont à l’épuisement dans 16 ans pour le pétrole et 25 ans dans le cas le plus optimiste pour le gaz qui sera fonction des vecteurs couts/prix (14/15 dollars pour le GNL le million de BTU et 10/11 dollars pour les canalisations (GN), alors que le prix du gaz non conventionnel fluctue depuis plus d’une année entre 4/5 dollars), de la forte consommation intérieure qui représenterait environ 75% des exportations entre 2016/2020 et des possibilités d’autres énergies substituables, ainsi que la gestion des réserves de change.

Aussi, engageant l’avenir de la Nation, les autorités algériennes doivent être très attentives tant aux nouvelles mutations énergétiques mondiales qu’à la guerre des monnaies vu l’impact qu’elles pourraient avoir sur l’économie algérienne. Par ailleurs, les dévaluations et c’est une loi économique qui constituent un dumping à l’exportation dynamisent donc les exportations comme le montrent actuellement la guerre des monnaies et ce dans une économie structurée.

Or, l’Algérie est dans cette interminable transition depuis 1986, ni économie de marché, ni économie administrée, expliquant les difficultés de la régulation, l’avancée des réformes étant inversement proportionnelle au cours du pétrole et du cours du dollar, les réformes depuis 1986 étant bloquées ou timidement faites avec incohérence lorsque que le cours s’élève ce qui explique que la dévaluation du dinar ,la monnaie la plus faible au Maghreb, a eu l’effet contraire en Algérie moins de 2/3 % hors hydrocarbures ce qui montre que le blocage est d’ordre systémique.

Il faut se méfier des statistiques globales car 50% dans le produit intérieur brut 2007/2008 officiellement reviennent au segment hors hydrocarbures, mais en réalité sur ces 50% plus de 80% étant eux même tirés par la dépense publique via les hydrocarbures ( BTPH et autres) ce qui donne aux entreprises créatrices de richesses publiques ou privées (souvent endettées vis à des banques publiques) une part négligeable, moins de 20% selon mes calculs.

La baisse de la salarisation depuis plus de deux décennies au profit des emplois rentes traduit la prédominance de l’économie rentière et la faiblesse de la dynamique de l’entreprise créatrice de valeur ajoutée. Les infrastructures ne sont qu’un moyen, ayant absorbé près de 200 milliards de dollars entre 2004/2009, avec des restes à réaliser de 130 milliards de dollars, restant au nouveau programme 2010/2014, 156 milliards de dollars toujours avec plus de 70% consacrés aux infrastructures. Outre que le bilan n’as été fait pour analyser les surcouts et les impacts, cette masse monétaire colossale déversée faute de capacité d’absorption, ne risquent-elle d’entrainer une amplification de l’inflation pour ne pas parler de la corruption sans mécanismes de contrôle appropriés passant par la mise en place des institutions démocratiques ? Aussi, pour pouvoir attirer les investissements porteurs, le gouvernement algérien devrait éviter des changements périodiques de cadres juridiques, des actions administratives bureaucratiques non transparentes source de démobilisation et qui risquent de faire fuir les investisseurs sérieux qu’ils soient locaux ou étrangers.

4- Quelles perspectives?

L’Algérie de 2030, dépassera les 50 millions d’habitants au moment où il y aura progressivement épuisement des recettes d’hydrocarbures et les politiques économiques auront-elles préparé l’après hydrocarbures dans des segments s’inscrivant dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux (cout/qualité) ?Pour cela il faudra s’attaquer à l’essentiel et non au secondaire et dépasser l’ancienne culture administrative des années 1970 inopérantes, nos responsables devant s’adapter à la mondialisation. L’efficacité de toutes les mesures gouvernementales du passage du Remdoc au Crédoc sans transition pénalisant le tissu majoritaire des PMI/PME, n’ayant aucun impact sur la réduction des importations qui risquent de se gonfler en 2011/2012 faute de production nationale (le FMI annonçant plus de 50 milliards de dollars) le nouveau code des marchés publics, l’encadrement des investissements étrangers (chute de plus de 80% en 2010 par rapport à 2008/2009) alors qu’il faille privilégier la balance devises positive pour l’Algérie et l’apport managérial et technologique et non se limiter à des mesure bureaucratiques forcément de peu d’efficacité 49/51%.

Lorsqu’un gouvernement agit administrativement et loin des mécanismes transparents et de la concertation sociale pour avoir l’adhésion, la société enfante ses propres règles pour fonctionner qui ont valeur de droit puisque reposant sur un contrat entre les citoyens, s’éloignant ainsi des règles que le pouvoir veut imposer.

En ce XXIème siècle, les batailles économiques se remportent grâce à la bonne gouvernance et la valorisation du savoir impliquant une efficacité et la moralité des institutions et donc un Etat de droit. Concernant justement la révision de l’Accord d’Association avec l’Europe après le revirement de l’Accord d’association avec la zone arabe et le peu d’empressement pour une zone de libre échange maghrébine par le gouvernement algérien, la réponse me semble hypothétique du fait de la teneur des accords. Et contrairement à ce qu’a avancé le Ministre du commerce, l’adhésion à l’organisation mondiale du commerce (OMC) avec ces mesures n’est pas pour demain avec le risque, faute de l’approfondissement de la réforme globale, d’isoler de plus en plus l’Algérie des nouvelles mutations mondiales.

A Mebtoul, ancien président du conseil algérien des privatisations et auteur de nombreux ouvrages sur l’économie internationale et l’économie algérienne

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